Fabrice Nicolino, bien connu pour son engagement dans le domaine environnemental, revient en librairie avec Ce qui compte vraiment.
Au-delà du constat désastreux que notre planète a vu au cours du dernier siècle s’écrouler ce qu’elle avait mis des millions d’années à construire, Fabrice Nicolino remet au cœur du débat politique la question écologique qui demeure pour le moment quasi-inexistante. L’intérêt est d’opérer un véritable virage anthropologique au cœur duquel l’environnement serait l’élément premier de notre société.
Découvrez l’introduction du livre :
« C’est bien étrange. D’un côté, le monde entier
déborde de nouvelles angoissantes. De l’autre, chacun poursuit sa petite route,
comme si de rien n’était. Le dérèglement climatique fait basculer l’un des
systèmes essentiels de la vie sur terre. Relativement stable depuis 12000 ans, le
climat est devenu chaotique, de plus en plus imprévisible à terme, et menace de
nombreuses sociétés humaines. Je rappelle que ces 12000 années passées, ô
combien favorables à l’activité humaine, ont vu naître l’agriculture et des
structures historiques glorieuses, entres autres l’Empire jaune en Chine, la
civilisation de la plaine du Gange en Inde, l’Égypte des Pharaons, la Grèce
antique et Rome, les Incas, les Aztèques. Que serions-nous sans la bienveillance du
climat ?
Le reste est également connu. Les espèces et les espaces disparaissent à un
rythme sans équivalent depuis bien avant les débuts de l’aventure humaine. Il
existe même un consensus mondial, chez les biologistes de la conservation, pour
affirmer que nous vivons la «sixième crise d’extinction» des espèces, la dernière
ayant entraîné la disparition des dinosaures il y a 66 millions d’années. La
chimie de synthèse a libéré dans tous les milieux des dizaines de millions de
molécules différentes qui se marient constamment et dessinent le paysage plutôt
sinistre d’un empoisonnement universel. Les sols agricoles et fertiles sont
largement épuisés, érodés, stérilisés, au moment même où la population
humaine s’approche des dix milliards d’habitants. Les forêts meurent, comme les
océans, et les cours d’eau sont gorgés de miasmes et surchargés de barrages qui
les transforment bien souvent en égouts.
Sortir ensembLe de La Lamentation
Bref, je n’ai pas le cœur d’en dire plus, car le constat est indiscuté.
L’époque, inouïe à bien des égards,
demanderait des géants d’une taille encore inédite, et ne nous offre
qu’une collection pathétique de Lilliputiens se battant entre eux pour
les flonflons d’une fête terminée depuis longtemps. Plus aucun cadre
ne résistera à la pensée magique, au coup de menton suivi d’un coup
de gueule, de griffe, de matraque. Les institutions que l’on croyait
solides menacent ruine. La sécurité sociale agonise, la retraite sent
le fagot, l’école est une impasse sans fond, le travail disparaît dans
le moindre trou du chemin, la nourriture même est surchargée de
molécules toxiques. Et l’eau. Et l’air. Et toute la vie.
Ce serait donc le moment du suicide. L’idéal contemporain serait
d’annoncer sa mort en direct sur les réseaux sociaux, ce territoire de
western où quelques-uns font la loi à leur profit intégral. Mais je
crois que je vais passer mon tour. Je ressens tout au contraire la
nécessité de relever la tête, et de sortir enfin de la sempiternelle
lamentation.
Oui, il est vrai, et chacun le sait, que tout disparaît à vive allure.
Les espaces, les espèces, la forêt, l’océan, l’éléphant, l’abeille,
le requin, le papillon. Dans ces conditions, et sauf phénoménal
sursaut, l’homme va connaître les heures les plus terribles de son
existence terrestre. Y a-t-il espoir? Je le pense, contre certaines
évidences. Mais cela suppose une énergie collective dont on peut
douter qu’il soit encore possible de la trouver dans de vieux pays
fatigués comme la France. Inévitablement, on se demande – je me
demande – si le souffle des grands soulèvements n’est pas épuisé. Car
l’avenir exige bien davantage que ce qui a conduit à 1789, moment qui
reste notre véritable gloire nationale. Le temps à venir aura besoin
de valeurs qui paraissent être en perdition. De courage. De volonté.
De solidarité. De coopération d’un bord à l’autre de toutes les mers.
Mais parions. Pour commencer d’avancer, pour imaginer un début
d’ébranlement, il faut du mouvement. Ce que je vais vous présenter
sans détour, ce sont des pistes. De vastes routes possibles où
l’esprit des hommes peut s’engager sans trembler. Ainsi qu’on le verra,
elles rompent tout contact avec les formes politiques existantes. Puisse
cette présentation servir, aujourd’hui ou demain, ici ou bien encore
là-bas.
Je vais vous parler de la France, car cela reste mon pays. Mais aussi du
monde, car c’est aussi mon pays. Il faut oser penser autre chose, et ce
pour tous les habitants de la Terre, hommes et femmes, végétaux et
animaux, fleuves et rivières. J’ai la prétention d’affirmer que vous
ne perdrez pas votre temps en lisant ces pages. »
Fabrice Nicolino, Ce qui compte
vraiment.
224 pages, 18€, en librairie le 22 février.