À l’occasion de la publication La Fin des maladies ? Une approche révolutionnaire de la médecine du Dr. Laurent Schwartz, Joël de Rosnay en rédige la préface. Ce travail, à travers les découvertes cruciales de différents chercheurs, tend à remettre fondamentalement en cause notre manière de considérer et de soigner les maladies. Découvrez ici le texte de Joël de Rosnay :
Ce qui caractérise la démarche scientifique et philosophique de Laurent Schwartz, c’est une volonté de rechercher et d’exprimer la simplicité par rapport à la complexité. On sait qu’il est possible de décrypter la complexité en l’analysant en éléments simples. Ce qui correspond à la démarche traditionnelle que nous a enseignée Descartes. Mais Laurent Schwartz se méfie de l’analyse, car elle conduit le plus souvent à un émiettement des connaissances qui rend ensuite plus difficile la reconstruction de la pensée à partir de multiples éléments séparés et parfois sans relation les uns avec les autres.
On pourrait dire que le Dr Schwartz tente de remplacer la complexité par la « simplexité » : une nouvelle approche complémentaire. Ce qui va à l’encontre de nombreuses préconceptions à la fois scientifiques, industrielles ou politiques. De même pour la vie, à laquelle il consacre ce dernier livre : il déclare et démontre par de nombreux exemples que l’équation de base de la vie, qui met en œuvre des paramètres aussi connus que la pression ou l’acidité, est plus simple qu’on ne l’avait pensé à partir d’études réalisées depuis des siècles sur le vivant. Il déduit de cette simplicité de la vie le principe que les maladies pourraient se regrouper dans quelques grandes catégories permettant de les traiter de manière globale, plutôt que par l’approche analytique et disciplinaire utilisée majoritairement aujourd’hui par la médecine traditionnelle. Mais il y a un risque à une telle approche. En effet, dire que tout est complexe confère une sorte de pouvoir disciplinaire à ceux qui l’affirment et qui, souvent, détiennent ce pouvoir grâce à un langage que peu de spécialistes peuvent réellement déchiffrer, leur octroyant une forme de domaine réservé sur lequel ils règnent sans risquer une trop forte concurrence d’autres spécialistes. Au contraire, dire et démontrer que les choses sont simples réduit le pouvoir de ceux qui l’expriment. Les scientifiques qui ont le courage d’entreprendre une telle démarche perdent cette sorte d’aura que confère l’incompréhension de la discipline dans laquelle ils se situent. On est beaucoup plus critiquable quand on énonce la simplicité que la complication, et surtout quand on en démontre la réalité dans le domaine du vivant ou de l’environnement.
Le problème reste que, tant qu’on n’a pas démontré cette simplicité par une forme d’équation mathématique, physique ou chimique, il est difficile de convaincre la communauté scientifique de son approche. C’est le pari que fait Laurent Schwartz dans son livre à travers les nombreux exemples qu’il donne. L’exemple de la formule mathématique de l’entropie et sa liaison avec le désordre permet de mieux comprendre l’utilité et les applications de cette approche. Mais pourrait-on arriver à une forme de classification des grandes maladies comme Mendeleiev a réussi à le faire avec le tableau de la classification périodique des éléments ? Jacques Monod avait souhaité classer toutes les formes de protéines dans une sorte de tableau permettant d’en résumer et d’en regrouper les structures et les fonctions. Si les projets de Laurent Schwartz se réalisaient, ce serait un immense bénéfice pour la médecine, donc aussi pour les patients. Mais de nombreux obstacles restent à surmonter. Les positions traditionnelles sur la complexité du vivant prises par l’Académie de médecine, la grande industrie pharmaceutique ou les pouvoirs publics liés à la santé, sont généralement en contradiction avec une simplification du vivant, car la complexité telle qu’elle est perçue et mise en œuvre par ces institutions permet d’assurer le respect et la confiance envers les approches scientifiques qui s’en réclament, et bien entendu les financements associés. Le risque pris par Laurent Schwartz, dans son expression de la simplicité du vivant et de la capacité de guérir les grandes maladies, doit être perçu dans ce contexte institutionnel et administratif. Pourra-t-il, grâce à ce livre, parvenir à convaincre et à inciter les étudiants en médecine et les jeunes médecins à suivre son approche, à l’adopter et la mettre en œuvre ? L’avenir nous le dira. Mais les bases sont posées et ce livre en démontre le mérite pour l’avenir de la biologie et de la médecine personnalisée, participative, prédictive et proactive de demain.
Dr. Laurent Schwartz, La
Fin des maladies ? Une approche révolutionnaire de la médecine, préface de Joël de
Rosnay.
192 pages, 15€, en librairie le 10 avril.