Considéré comme l’un des penseurs les plus importants de ce début de siècle, David Græber revient après cinq ans d’enquête pour analyser la notion de « Bullshit jobs » ou « Jobs à la con », née sous sa plume et qui a fait le tour du monde.
L’auteur du succès de librairie Dette : 5000 ans d’histoire, postule ici que la société moderne repose sur l’aliénation de la vaste majorité des travailleurs de bureau qui sont amenés à dédier leur vie à des tâches inutiles et sans réel intérêt, tout en ayant pleinement conscience de la superficialité de leur contribution à la société. En effet, alors que le progrès technologique a toujours été vu comme l’horizon d’une libération du travail, ce phénomène désignant des emplois vides de sens, inutiles ou superficiels concerne un nombre de plus en plus important de travailleurs… Un ouvrage salvateur et lumineux !
À l’occasion de la sortie de son ouvrage, l’auteur sera présent en France en septembre.
« Avez-vous l’impression que le monde pourrait se passer de votre travail ?
Ressentez-vous la profonde inutilité des tâches que vous accomplissez
quotidiennement ?
Avez-vous déjà pensé que vous seriez plus utile dans un hôpital, une salle
de classe, un commerce ou une cuisine que dans un open space situé
dans un quartier de bureaux ?
Passez-vous des heures sur Facebook, YouTube ou à envoyer des mails persos
au travail ?
Avez-vous déjà participé à un afterwork avec des gens dont les intitulés
de jobs étaient absolument mystérieux ? »
… Si vous avez répondu oui à une ou plusieurs de ces questions, vous faites sans aucun doute possible partie de cette population qui occupe un «Jobs à la con», ou «Bullshit jobs», comme les nomme l’anthropologue anglais David Græber.
L’avènement et la multiplication des technologies libèrent les hommes de tâches de production réputées ingrates, répétitives ou humiliantes. Une libération physique, psychologique, et même temporelle, nous diront les grands économistes du début du XXème siècle. Aux heures laborieuses se substitueront désormais du temps libre pour chacun. En 1930, le célèbre économiste John M. Keynes n’estimait-il pas dans une fiction futuriste qu’on pourrait se contenter de travailler 15 heures par semaine un siècle plus tard, et que d’ailleurs, on s’ennuierait tellement que le principal problème collectif serait de répartir le travail ?
Mais telle promesse n’a pas été tenue : un tel temps libre donné aux travailleurs ayant été jugé dangereux par les esprits gouvernants, ces derniers se sont tournés vers la création de nouvelles industries, de « métiers de service » afin de combler le temps gagné (ou perdu ?). Pire, nombreuses sont les industries secondaires qui ont été créées dans le seul but de subvenir aux besoins de ces nouveaux salariés « de service »…
Ce que le capitalisme désirait, la recherche du meilleur profit partant de l’efficience naturelle du marché, le capitalisme ne l’a pas eu : finalement, les entreprises reversent des sommes faramineuses à des personnes dont elles n’ont pas réellement besoin.
Plus fondamentalement encore, ce nouveau mille-feuille sociétal – succession de tâches administratives ou managériales inutiles, le plus souvent prestigieuses et bien payées –, révèle l’orientation politique et sociale dans laquelle notre société s’est engouffrée. Nous sommes devenus une civilisation fondée sur le travail, non plus productif, mais dénué de sens, voire contre-productif.
David Græber est l’un des penseurs les plus influents du moment. Son article sur le phénomène des Bullshit jobs, initialement publié dans le magazine Strike, a été lu plus de 10 millions de fois. Auparavant, il fut l’un des leaders du mouvement « OccupyWallStreet », dont on lui attribue la paternité du slogan «Nous sommes les 99%». Docteur en anthropologie et économiste, il enseigne ces deux matières à la London School of Economics. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels le best-seller international Dette : 5000 ans d’histoire et Bureaucratie publiés aux Éditions LLL.
David Græber, Bullshit jobs
19€, parution le 5 septembre